Domaine Cru de l’Hôpital : alliance entre nature, sagesse ancestrale et apprentissage continu

Christian Vessaz, Betriebsleiter Cru de l’Hôpital

Datant du 15e siècle, ce domaine historique de la bourgeoisie de la ville de Morat se trouve directement près des vignes, Route du Lac 200, un peu en dehors du village viticole de Môtier sur les rives du lac. Son nom s’explique par l’utilisation du vin à des fins médicinales, en l’occurrence dans l’hôpital de Morat. 13 hectares sur le sol « intercantonal » (FR/VD) de la région viticole du Vully font partie de l’exploitation. Le Chasselas constitue près de 40 % des cépages et le Pinot Noir 25 %. Le domaine compte aussi des spécialités telles que le Traminer, le Pinot Gris, le Chardonnay et le Gamaret, mais également du Sauvignon Blanc et du Viognier.

Christian Vessaz (46 ans) dirige l’entreprise depuis 2002, il est œnologue, viticulteur, maître de chai et responsable de la commercialisation. Gilles Tisserand est quant à lui chef de culture depuis 2021. L’équipe est complétée par les vignerons Johannes Niggli et Yoann Chenaux ainsi que par les apprentis (jusqu’en 2025) Arno Beuret et Marion Crausaz. Les ventes sont placées sous la responsabilité de Mégane Milliet.

Avec le changement climatique, les défis augmentent

Christian Vessaz est un adepte de la viticulture selon la biodynamie et le cahier des charges de Demeter. Même en cette journée début août 2024, après la destruction d’une grande partie de ses vignes tout autour du domaine Cru de l’Hôpital par une averse de grêle qui a ravagé les ceps qui avaient survécu à l’épidémie de mildiou. Quel triste spectacle ! A l’instar de 2021, 2024 est une année extrêmement difficile pour les viticulteurs bio. Le problème peut se résumer ainsi : entre le 15 avril et le 15 juillet 2024, il y a eu quelque 60 jours de pluie, les vignes étaient donc mouillées quasiment sans interruption. On se serait cru en Ecosse ! Or, le mildiou est un champignon qui adore l’humidité et qui en agriculture bio ne peut être combattu qu’avec des pulvérisations de cuivre. Or, même si on a utilisé jusqu’à 4 kg de cuivre par hectare cette année, c’est-à-dire le maximum autorisé par hectare, les 2/3 des ceps du Cru de l’Hôpital ont été contaminés.

Pour revigorer ses vignes, Christian Vessaz mise sur des traitements à base de thé composés de près de dix plantes et herbes différentes.
Il explique :

» Le changement climatique qui s’accélère va certainement continuer à favoriser l’apparition de phénomènes extrêmes tels que le gel, la grêle, la sécheresse et les fortes pluies et constituer autant de défis à relever par les viticultrices et les viticulteurs bio. Certains cépages PIWI résistants aux champignons sont certes déjà autorisés, mais Christian Vessaz a opté pour une autre voie. Il veut rester fidèle aux principes anthroposophiques : par l’observation et les connaissances acquises quant au mode d’activité biologique des bactéries et des champignons, pour pouvoir renforcer et favoriser la croissance des acteurs bénéfiques au lieu de lutter contre les indésirables à l’aide de pesticides.

C’est absolument fascinant ! La vinification selon les principes Demeter (depuis 2013) et l’élaboration de vins naturels (depuis 2016) a permis à Christian Vessaz d’appréhender la question de l’oxygène. Depuis, il accorde beaucoup d’attention à l’équilibre rédox (réduction de l’oxydation). Le viticulteur bio l’explique : « Pour soutenir la nature et rendre les ceps plus vigoureux, nous cherchons également à prévenir l’oxydation naturelle qui se produit dans le vignoble avec le soleil. Les ceps exposés à l’oxydation sont bien plus sensibles aux mildious. Par conséquent, nous pulvérisons différents extraits fermentés d’ortie, de bardane, de bourdaine et d’autres plantes contenant beaucoup d’antioxydants, donc des nutriments de protection tels que des tannins. Pour fermenter, ces plantes ont besoin de beaucoup d’oxygène qu’elles extraient – comme nous le souhaitons – du sol. Qu’il y ait trop de soleil ou trop de pluie : nous pulvérisons pratiquement chaque semaine des tisanes et des extraits pour diminuer l’oxydation. »

Tisanes, infusions, extraits fermentés

Christian Vessaz et son équipe produisent eux-mêmes certaines tisanes et certains extraits utilisés dans le vignoble comme ceux à base d’ortie, de sauge, de prêle ou d’osier. Chaque plante requiert un traitement différent et le dosage est aussi important que la température lors de la préparation. C’est le climat qui dicte quelle parcelle nécessite quel traitement. Pour une fortification globale, on préconise une infusion de bourdaine (le précieux tannin provient de l’écorce), pour combattre la sécheresse, c’est l’ortie qu’on privilégie, tandis qu’on aura recours à la prêle en cas d’humidité excessive. Christian Vessaz nous montre quelques vieux livres sur les plantes qui contiennent une grande partie de ce savoir transmis depuis des générations. Autant dire que c’est traitement spa pour les vignes qui se font chouchouter dans le cadre d’un véritable programme de soin !

Première en Suisse !
« WYN », un Vin Nature-Nature, non filtré, sans cuivre ni soufre

Les étiquettes des vins naturels portent les illustrations des plantes utilisées dans le vignoble (prêle, osier, bardane, ortie, bourdaine, consoude). En voilà un bel hommage à celles qui donnent tant de force ! L’étiquette montre également la quadrature du cercle, donc la quête éternelle de la nature, ce qui correspond très exactement à la philosophie incarnée par le domaine : faire et rechercher au maximum pour la nature !

Christian Vessaz est particulièrement fier de son petit dernier « Wyn ». Ce Vin Nature-Nature est non seulement vinifié sans soufre, composé de Chasselas, de Traminer et de Pinot Gris, il est également cultivé en permaculture, sans ajout de cuivre. Le « Wyn » est ainsi le seul de Suisse dans sa catégorie Nature-Nature. « Ce vin est l’aboutissement d’un gros travail de recherche et de développement. »

Entre ces murs…

Le bâtiment de l’exploitation Cru de l'Hôpital a été construit en 1972 avec une architecture en soi peu spectaculaire au premier abord. Mais en 2021, Christian Vessaz a eu une intuition et a demandé à un géobiologiste d'analyser le bâtiment. Il se demandait en effet pourquoi il réussissait des vins aussi bons sans problème d'oxydation et de réduction. Il avait le sentiment, ou plutôt l'intuition, que le bâtiment contenait quelque chose qui soutenait dans son travail. Et bingo ! Après une analyse et des mesures approfondies, il s'est avéré que les proportions des pièces principales, comme la cave à vin et la salle de réunion de la bourgeoisie, étaient en accord avec le nombre d'or et d'autres éléments de la géométrie sacrée. Les pyramides de l’Egypte ancienne, le temple du Parthénon à Athènes et les cathédrales gothiques étaient déjà basés sur ces proportions, qui correspondent aux rythmes de la terre et du cosmos. Autre particularité : l'axe du bâtiment ne suit pas la route du lac comme on pourrait s'y attendre, mais s'aligne exactement sur les solstices. Plus précisément, sur le lever du soleil le 21 juin à l'est et sur le coucher du soleil le 21 décembre à l'ouest. Le bâtiment se trouve ainsi dans un décagone, un polygone très vigoureux. « Ce n'est donc pas un hasard : cette architecture nous aide, nous les humains, à nous rapprocher de la nature. Et ce symbolisme me renforce dans mon travail. »

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