Terraviva hier, aujourd’hui et demain

Le site de Terraviva sa au 34 Moosgasse à Chiètres FR était récemment en pleine ébullition. Ce jour-là, plus de vingt personnes étaient rassemblées autour de Stefan Leuenberger. Après avoir mis des casques blancs, tout le monde s’est rendu dans le vaste bâtiment de production qui vient de sortir de terre. Le responsable de la Commission des constructions fait le point sur les travaux.

Moderne et durable

Stefan Leuenberger nous présente le gros œuvre du nouveau bâtiment destiné à l’entreposage et à la préparation des légumes bio. Là où le premier coup de pioche a été donné il y a tout juste un an, des murs sur plusieurs étages s’élancent d’ores et déjà vers le ciel. Les premiers habillages en bois sont déjà visibles çà et là. Un bois issu de la production durable suisse. Cela réjouit également Rolf Etter, vice-président de Terraviva sa. Le maraîcher bio de Ried près de Chiètres évoque les défis associés à ce bâtiment : « Nous avons traversé une période très difficile. Les coûts de la construction ont beaucoup augmenté ces deux dernières années en raison du renchérissement. Le prix du bois a également flambé », affirme-t-il. Le choix s’est alors porté sur des essences locales. « Nous nous réjouissons donc à la perspective du nouveau bâtiment avec sa belle façade en bois. »

Selon Rolf Etter, il s’agit d’un pas de géant pour Terraviva sa. « Les clients en retireront également un énorme bénéfice. » L’installation répondra aux dernières normes techniques et comptera notamment une salle propre de préparation où les carottes seront, par exemple, épluchées et mises sous vide. Un nouvel espace devrait par ailleurs réunir tous les bureaux au même endroit. Enfin, le nouvel édifice mise également sur la durabilité avec des panneaux photovoltaïques et une installation de recyclage de l’eau pour économiser les ressources. Le gros œuvre devrait être achevé à l’automne 2023. Il sera suivi de l’aménagement intérieur et de la mise en place des équipements pour l’exploitation. L’emménagement dans les locaux devrait intervenir fin 2024.

« L’ancienne halle est pleine à craquer »

Les hommes et les femmes qui, munis de leurs casques de chantier blancs et de bottes en caoutchouc, enjambent câbles, flaques et bâches, sont des membres de l’organisation maraîchère Terraviva sa qui rassemblent plus de 80 productrices et producteurs de fruits et de légumes bio. Nombreux sont ceux qui viennent du Seeland où Terraviva ag/sa est le premier fournisseur de légumes et de fruits bio.

Pendant la visite, Rahel Bonny, responsable des services internes et des projets stratégiques et directrice adjointe explique ce qui a motivé la nouvelle construction : « Terraviva sa n’a cessé de grandir au cours des dernières années. L’ancienne halle a vieilli et est pleine à craquer. »

Et Rolf Etter de surenchérir : « Ce qui est génial c’est que notre croissance a été tellement dynamique que nous avons été contraints de construire. » Il estime que le bilan est très satisfaisant : « Ces dernières années, nous avons régulièrement dû nous battre avec acharnement, mais grâce à notre clientèle fidèle, nous avons réussi à faire croître le marché bio et Terraviva sa a pu continuer à se développer. »

« Le projet d’une génération »

L’association Terraviva sa a fait preuve de beaucoup de courage en investissant dans une nouvelle halle. Même si elle bénéficie du soutien financier de la Confédération et du Canton de Fribourg dans le cadre d’un projet promouvant le développement régional, elle s’est lancée dans une entreprise titanesque. « Pour Terraviva, c’est un investissement de taille. C’est le projet d’une génération », souligne Rahel Bonny.

Le défi ne résidait pas seulement dans la disponibilité des matériaux de construction, mais également dans la phase de planification : « En l’occurrence, il s’agissait de ne rien oublier et de tout vérifier deux fois. Lorsque nous emménagerons dans la nouvelle halle, il faudra tenir compte de nouveaux processus. Surtout avec les nouvelles installations pour la marchandise d’entreposage. »

L’autre défi auquel Terraviva sa se voit confronté est que cette année, après la forte demande pendant les années de pandémie, le marché des légumes bio a connu un développement moins positif. La demande a reculé. L’évolution future du marché bio inquiète également Rahel Bonny : « Nous espérons que la tendance sera de nouveau haussière et nous renforçons activement nos canaux de vente. »

Entre les mains des productrices et producteurs

Le soutien mutuel entre productrices et producteurs a toujours constitué la pierre d’angle de Terraviva. Selon Rolf Etter, aujourd’hui comme hier, l’objectif est un traitement équitable des productrices et des producteurs et la répartition équitable du bénéfice à tous les échelons de la chaîne de création de valeur. »

Il suffit d’ouvrir les oreilles pendant la visite pour se rendre compte que les productrices et producteurs ont conscience du caractère unique de Terraviva. En effet, « Terravia sa est la seule organisation qui amène directement les produits maraîchers de l’exploitation agricole dans le point de vente », d’après Rolf Etter.

L’autre élément distinctif est que Terraviva sa se trouve entre les mains des productrices et des producteurs. Rolf Etter l’explique clairement : « C’est le même principe qu’en 1946 avec la coopérative de culture et de valorisation AVG (Anbau und Verwertungsgenossenschaft). Toutefois, aujourd’hui, nous ne sommes plus une coopérative mais une société anonyme. »

Une genèse émouvante

L’origine de cet esprit communautaire parmi les productrices et producteurs bio est parfaitement illustrée dans le film documentaire : « Entre tempête et tendresse » de l’institut de recherche pour l’agriculture biologique FiBL. Ceux qui connaissent Terraviva le savent : l’entreprise, qui de nos jours marque de son empreinte le marché maraîcher bio de diverses manières, a connu une histoire mouvementée. Dr. Hans Müller a fondé la coopérative AVG en 1946 à Galmiz sous la forme d’une organisation de commercialisation pour les productrices et producteurs bio. Né en 1891 dans l'Emmental, ce professeur en école secondaire titulaire d’un doctorat était l’homme de la situation. C’était un pionnier qui avait toujours cru en l’agriculture biologique, bien avant l’apparition des premières certifications et labels bio.

C’est à l’école ménagère rurale de Möschberg BE qu’il s’est initié aux méthodes de l’agriculture organo-biologique en compagnie de son épouse. Longtemps, il s’est attiré les moqueries et a été considéré comme un anti-conformiste et un visionnaire déjanté. En effet, au début du XXe siècle, l’agriculture biologique n’avait pas encore acquis ses lettres de noblesse sur le plan sociétal et politique.

Rolf Etter raconte : « Il y a encore quelques rares personnes âgées qui l’ont connu et certaines avaient même travaillé pour lui en tant que saisonniers pendant les vacances. » M. Etter de poursuivre : « Hans Müller était un homme spécial. Il avait une vision claire de la manière dont il fallait produire. »

Avec de nombreux agriculteurs bio, Hans Müller a fortement contribué à la conversion au cours des années 1950 et 60 de nombreuses exploitations aux principes organo-biologiques. La commercialisation de produits bio et la coopération entre les exploitations maraîchères ont pris de l’ampleur. « Hans Müller a vraiment fait avancer cette plateforme de commercialisation », précise Rolf Etter.

Pionnier de l'envoi de colis

Terraviva (autrefois AVG) a été la première organisation à expédier des colis de légumes dans les années 1950. Chaque semaine, 7.000 colis quittaient Chiètres à destination de toute la Suisse. « Je connais encore des personnes qui ont préparé ces colis de légumes », affirme M. Etter. Tout passait par la poste. Or, c’est aussi la raison de l’échec de l’initiative, car comme les colis étaient trop longtemps en chemin, la marchandise se gâtait souvent sur le trajet vers la clientèle. »

Réunions en caleçons longs

Le label Coop Naturaplan a été lancé en 1993. Coop a alors demandé à la coopérative de livrer des produits bio. Le démarrage n’a pas été facile. « Le problème était que les exploitations bio n’avaient pas l’habitude de fournir des volumes aussi importants », explique Rolf Etter. Les structures requises faisaient encore défaut. De plus, en 1996, la coopérative a traversé une crise financière mais quelques producteurs dont Rolf Etter ont décidé de lutter pour la survie de cette entreprise au riche passé.

Il a été décidé de prendre un nouveau départ et de transformer la coopérative en société anonyme. Ernst Mäder, ancien maire de Ried, en fut le premier directeur. A ce sujet, Rolf Etter a d’ailleurs une anecdote amusante à partager : « Ernst Mäder avait décidé de faire des économies par ces temps de crise et avait donc coupé le chauffage. C’est donc en veste de ski et en caleçons longs que nous assistions aux réunions du Conseil d’administration. »

Le site de Terraviva en ébullition

Retour à l’époque actuelle : aujourd’hui, l’entreprise tourne à plein régime. Les produits proviennent aux deux tiers du Seeland. La production est assurée par des exploitations familiales expérimentées, toutes membres de Terraviva ag/sa.

Rolf Etter, qui s’est converti à la culture maraîchère bio il y a plus de 20 ans, est l’un des producteurs bio membres de Terraviva sa qui y livre sa production de légumes bio. Lorsque son camion de Bioleguma arrive sur le site à l’aube, la ruche est déjà en ébullition, car chaque jour, les maraîchers livrent leur production.

Les remorques remplies de pommes de terre, de carottes et de salades sont réceptionnées et transformés dans l’ancienne halle. Le personnel, tel des abeilles, s’affaire : salades et carottes sont lavées, les concombres sont étiquetés avec le Bourgeon Bio Suisse.

Dans les bureaux à côté de la halle, les collaboratrices et collaborateurs préparent les commandes. Vers midi, les premières palettes sont livrées au commerce de détail ou remises à une clientèle variée composée de restaurateurs ou vendeurs sur les marchés qui vient chercher les légumes frais commandés.

Comme l’observe avec grande justesse Rahel Bonny, le marché de l’alimentaire ne cesse d’évoluer. « Nous devons proposer encore plus de variétés dont les qualités organoleptiques sont appréciées par nos clients », affirme-t-elle avec un sens aigu de l’auto-critique.

Dans l’assortiment se trouvent également les produits de ProSpecieRara que Terraviva ag/sa soutient depuis 15 ans. Grâce à l’engagement de cette fondation à but non lucratif suisse fondée en 1982, de nombreuses variétés traditionnelles et anciennes ont fait leur grand retour dans nos jardins, sur nos étals et dans nos assiettes.

Avancer ensemble

Ce n’est pas seulement l’excellent chiffre d’affaires qui met un sourire aux lèvres des productrices et producteurs bio, mais également le fait d’être ensemble. Quant à Rolf Etter, il a lui aussi déjà vécu de nombreuses et belles rencontres avec les productrices et les producteurs bio, surtout suite à des invitations à se rendre sur leurs exploitations. Dans l’univers de la production maraîchère bio, affirme Rolf Etter, deux choses revêtent une importance capitale : « l’estime réciproque et une bonne collaboration avec la clientèle. »