Diversité des légumes issus d’un sol vivant – la communauté d’exploitation Bioleguma

Rolf Etter et Jürg Frey, responsables d’exploitation de Bioleguma

Bioleguma est une communauté d’exploitation implantée à Ried bei Kerzers et Frasses constituée de quatre exploitations qui se sont associées en 2002. Son nom annonce déjà la couleur puisque ces pionnières des légumes bio suisses misent sur la production bio depuis 1987 pour certaines et depuis 1996 pour les autres. Aujourd’hui, Bioleguma cultive près de 90 ha de surfaces agricoles sous la direction de Jürg Frey et Rolf Etter, ses deux fondateurs passionnés, ainsi que de Roland Maeder. Près de 40 personnes y sont salariées, certaines depuis plus de 20 ans, et l’été, les effectifs peuvent grossir jusqu’à 100 personnes en incluant les saisonnières et saisonniers.

Bioleguma propose un assortiment très vaste afin de pérenniser le cycle naturel en interne.

Culture de légumes bio en plein champ

Bioleguma produit 16 variétés maraîchères différentes et, en plein champ, mise délibérément sur une grande diversité de cultures. En effet, cela permet de réduire le risque de parasites, de maladies et de nuisibles. D’une part, il s’agit de variétés de légumes frais tels que salade, fenouil, brocoli, haricot, rhubarbe et poireau qui en pleine saison sont récoltés tous les jours. D’autre part, l’exploitation cultive et entrepose des légumes de garde tels que carottes, betteraves, panais, céleri, choux et oignons pour garantir la disponibilité la plus longue possible

La culture en plein champ de légumes bio relève de la passion pour Rolf Etter, agriculteur de formation et maraîcher avec maîtrise fédérale qui est épaulé par Gian-Luca Anker et d’autres chefs de groupe. Sur les champs, Rolf Etter est dans son élément et explique notamment :

La région du Seeland a été asséchée par les deux corrections des eaux du Jura (1868-1891 et 1962-1973). La terre aride entre les surfaces boisées a dans un premier temps tout juste suffi à servir de pâturage pour quelques troupeaux de moutons. Après la deuxième correction, les communes ont mandaté les agriculteurs pour qu’ils défrichent les terres afin de les rendre cultivables ; en contrepartie, des parcelles leurs ont été octroyées. Pour fertiliser et pour relever la valeur du PH de cette terre acide appelée tourbe par les locaux, on a également procédé à l’épandage de farine d’os. En effet, non loin de l’exploitation Bioleguma se trouvait un moulin où tous les bouchers de la région venaient livrer leurs os. Par ailleurs, on enrichissait abondamment les sols en calcaire que l’on considérait particulièrement favorable à la culture de betteraves sucrières. Or, la valeur trop élevée du PH qui en a résulté continue de poser problème aux maraîchers

Serriculture pour légumes bio frileux

La serriculture consiste à cultiver des légumes en serres. Les structures sont recouvertes de verre ou de films en plastique servant à protéger des intempéries, ou des variations thermiques tous les légumes frileux. Les restrictions de chauffage de fin novembre à début mars fixées dans le cahier de charges de Bio Suisse garantissent une conduite des cultures économe en énergie. Bioleguma peut ainsi cultiver des variétés tout en diminuant ses risques de culture ou prolonger la saison

Jürg Frei, maraîcher bio, est responsable en chef de la culture en serres chez Bioleguma. En matière de sols, il partage l’avis de son cofondateur et copropriétaire : « Notre capital le plus précieux est le sol. Il s’agit donc de préserver sa fertilité. Toutes nos cultures maraîchères poussent dans un sol fertile. En effet, les cultures dites « hors sol » ne sont pas autorisées dans l’agriculture biologique. » Quelles sont les variétés qui s’épanouissent sur 6,5 ha ? Jürg Frei dresse la liste : « En été, il s’agit surtout de différentes tomates, qui sont, je l’avoue, mon légume préféré, en hiver, ce sont diverses salades. » D’ailleurs, à ce propos, une petite anecdote : la laitue était déjà tellement populaire sous Louis XIV qu’elle faisait partie des cultures sous serre.

Aujourd’hui, le rampon est le grand favori de l’hiver en Suisse. En prévision des fêtes de fin d’année, il remplit une grande partie des serres de Bioleguma à Ried et Frasses. Un producteur de jeunes plants installé non loin de là – à Ried – livre des plants âgés de 3 à 4 semaines qui, selon la météo, donneront du rampon très tendre quelque 6 à 8 semaines plus tard. Après la récolte, une partie de la surface accueille une nouvelle génération de cette culture, tandis qu’à ses côtés, les premiers concombres attendent déjà le printemps. Les éléments végétaux non récoltés sont laissés sur le sol et transformés en humus frais par des armées de micro-organismes. Rien d’étonnant donc à ce que le sol dans les serres se soit élevé de 15 cm en l’espace de 20 ans.

On apprend beaucoup du sol et on apprend à gérer la météo. Quel est donc le plus grand défi en matière de culture maraîchère bio ? Pour Jürg Frei, il n’y a pas de doute : « Le plus grand défi consiste à tout concilier, donc d’une part les consignes de Bio Suisse, qui n’autorisent aucun engrais ni produit phytosanitaire chimiques ou synthétiques et d’autre part les souhaits des clients quant à la disponibilité, l’assortiment et la qualité. De part et d’autre, nous ne faisons aucun compromis. »

Rolf Etter explique le remède Bioleguma :

Et le maraîcher de prélever une poignée de terre de couleur foncée, humide et à la texture délicatement friable. Un ver de terre apparaît, un parmi ces millions d’auxiliaires qui vivent et travaillent dans les sols bio. Un sol bio en bonne santé est vivant !

Légumes de garde en qualité bio

L’entrepôt de Bioleguma construit en 2022 à Essert peut stocker jusqu’à 2200 tonnes de légumes de garde. Chaque chambre froide peut être régulée individuellement et automatiquement à la température et à l’humidité de l’air souhaitée. L’électricité est fournie par l’installation solaire appartenant à l’exploitation. Selon la variété, les besoins des légumes sont différents. Ainsi, avec des températures entre 0° et 1°C et une humidité de l’air relative de 90 %, le céleri-rave récolté à l’automne se conservera jusqu’en mars ou avril de l’année suivante.

Lorsque l’imposante porte coulissante s’ouvre brièvement, il s’échappe une odeur corsée, terreuse et fraîche comme pour flatter les papilles en attendant une délicieuse soupe d’hiver ! Dans les différentes chambres froides, les légumes sont empilés dans des palox (caisses) en bois pouvant accueillir 500 à 550 kg ou 1000 kg. Contrairement au plastique, le bois ne casse pas aussi facilement et peut être réparé soi-même. Les légumes sont pré-triés selon la taille, mais sans être lavés, car la terre offre une certaine protection. Pour le céleri-rave, les petits gabarits pèsent entre 150 et 350 g et les moyens entre 350 et 750 g. Les plus grands gabarits sont mis dans une caisse pour être en règle générale acheminés vers des sites industriels afin de préparer des mélanges de légumes ou des salades prêtes à déguster. Bioleguma entrepose les légumes d’hiver locaux typiques tels que céleri-rave, betteraves, pommes de terre, carottes, panais, oignons mais également du poireau. Pour le poireau, la disponibilité est ainsi garantie pendant les mois de janvier à mars, même en cas de chute de neige et donc d’impossibilité de récolte.

Sous le même toit se trouve également l’installation de calibrage pour le pré-triage de légumes plus lourds. Gian-Luca Anker, maraîcher et responsable suppléant dans la culture en plein champ, explique : « La chambre froide n’est pas un hôpital, de sorte que seuls des produits en bonne santé peuvent y être entreposés. Et bien sûr, il ne faut jamais stocker des légumes avec des fruits qui émettent de l’éthylène, le gaz responsable du mûrissement … à l’effet hautement indésirable. »

La Ferme 1794, le magasin bio à la ferme à Morat

L’ancien corps de ferme situé aux abords de la petite ville de Morat était la maison familiale de Roland Fasnacht, un acolyte de Rolf Etter et Jürg Frei, les fondateurs de Bioleguma. Depuis 2016, La Ferme 1794 accueille la boutique à la ferme de Bioleguma qui propose en vente directe des produits laitiers, notamment du fromage, mais aussi de la viande, du vin et bien sûr des légumes – tout de même 15 % du chiffre d’affaires annuel … le tout bien sûr en qualité bio.

Outre l’espace de vente, ce lieu propose un café et diverses salles pour organiser des événements. Il s’agit d’une offre supplémentaire très populaire qui permet notamment d’organiser des manifestations ponctuelles telles que des séminaires avec apéro. Il est fort intéressant de noter que ce point de rencontre et de vente est particulièrement apprécié par la clientèle de Suisse romande qui fait le déplacement notamment du Vully, de Neuchâtel ou de Fribourg.